jeudi 26 février 2015

Réflexions sur le trac

Nous sommes tous inégaux devant le trac, et je l'ai beaucoup vu, et vécu, aussi bien autrefois quand j'étais élève, que maintenant que je suis professeur et concertiste.
 
Il y a plusieurs formes de trac. Celui-ci va presque toujours de pair avec la prestation en public, même pour les artistes expérimentés. Sarah Bernard ne disait-elle pas à une jeune comédienne qui se vantait de ne jamais avoir le trac « Ne vous en faites pas, le trac, cela viendra avec le talent »!
Il y a le trac qui décuple les capacités, le trac qui les amoindrit (on joue à 80%, 60% de ses possibilités), et le trac qui paralyse, celui-là le plus difficile à vivre avec tout ce qu'il induit: tremblote, trou noir, sueurs froides et parfois pire, malaises, tachycardie...Jacques Brel disait vomir avant chaque concert!

Qui sont les personnes les plus traqueuses?
en général les personnes plutôt timides qui n'ont pas vraiment l'habitude (ni l'envie) de se mettre en avant au quotidien, de prendre la parole un long moment en public, de se mettre dans ce genre de situation ou l'on se trouve brusquement et longuement sous le feu des projecteurs.
Du coup la mise en situation qu'est le jeu sur scène est très difficile pour elles.
Il arrive également, chose étrange, que dans une situation très stressante (comme par exemple une conférence ou prise de parole très importante dans sa profession devant 200 personnes) certaines personnes n'aient absolument pas le trac, alors que dans une autre (concert d'élève devant 20 personnes), elles perdent tous leurs moyens!
Le concert (ou examen) peut être une situation de souffrance inouïe et d'immense déception alors que la personne aime véritablement, sincèrement sa discipline, et veut absolument servir son art avec honnêteté.
Ces personnes se mettent (en le sachant ou non) une terrible pression qui a raison d'elles, et lorsque l'évènement se passe mal (jeu hésitant ou sale, erreurs inhabituelles, trou de mémoire, passages entiers ratés à cause du tremblement des mains, voire totale incapacité de jouer) elles vivent un énorme sentiment d'échec, de honte, de culpabilité et de frustration qui est difficile à comprendre pour l'entourage.
Elle se disent alors que c'est de leur faute, qu'elles se sont mal préparées, et surtout qu'elles ne veulent pour aucun cas revivre ce moment.
Dans tous les cas, ce n'est pas de votre faute si vous avez un trac extrême! 

c'est votre sensibilité, voilà tout.

Le pire moment du traqueur: avant de rentrer sur scène.
Il attend son tour sur sa chaise, en écoutant les autres, qui réussissent leurs morceaux (ou du moins, il en a l'impression!), ou il fait les cent pas en coulisse, ou discute fébrilement avec les autres pour essayer de se distraire ou au contraire force sa concentration dans un silence de mort en entendant son cœur battre de plus en plus vite et en "repassant" son morceau en boucle dans sa tête! Les mains sont moites, ou glacées. Il rentre sur scène en tremblant, ses oreilles bourdonnent, il se sait plus rien, sauf que dans un instant ce sera le silence, et qu' il devra faire ses preuves, et qu'il n'y aura pas de deuxième fois.
Il se concentre alors très fort, essaie de se maîtriser et crée une qualité d' écoute "supérieure"à l'affût du moindre défaut, qui justement crée une ambiance propice aux erreurs. Cette attention est en fait supérieure à celle que l'on a en cours (ou à la maison).
Les conseils à ne pas dire aux gros traqueurs: "détends-toi!" "bois un petit verre!" "imagine le jury aux toilettes!" "dis-donc, tu te liquéfies, reprends-toi!" " tu as bossé, tu es capable, alors vas-y sans stresser." "Mais maîtrise-toi, bon sang! tu ne risques pas ta vie! imagine si tu étais funambule!" "Cette fois on vient avec Mamie, tata Jeanine, tonton Léon, j'espère que tu vas mieux assurer que la dernière fois!" "j'ai confiance en toi, ça va bien se passer. Aies un peu confiance en toi, quand même! pourquoi tu es comme ça" "Merde, hein!" "keep cool!" "mais qu'est-ce que tu es tendu! ça ne sert à rien, tu sais?!"
Certains mots prêtent à sourire, mais qui ne les a pas entendus?


 Les remèdes extérieurs:
l'alcool, la drogue, les médicaments. (je ne les conseille pas...)
Même chez les professionnels certaines personnes utilisent un coup de pouce extérieur, le plus connu étant les bêta-bloquants, c'est un médicament qui régule et ralenti
t le rythme cardiaque, ce médicament est beaucoup plus utilisé qu'on ne le croit. 

Mais c'est très loin d'être anodin.
.l'homéopathie, à prendre en amont, plusieurs semaines avant la date. (le gelsemium est souvent préconisé)
.Les fleurs de Bach, le rescue, à prendre juste avant.

comment se préparer- Le plus important!
1)une très bonne préparation en amont (plusieurs semaines avant) à ne pas négliger, pour le traqueur, (comme pour les autres!)
-travail en détail du morceau , et non "superficiel", connaissance en profondeur de tous les aspects du morceau: parties de mg et md, rythme, mélodie, harmonie, mémoire auditive, digitale, visuelle si partition...
-travail en lenteur pour bien décomposer chaque mouvement et créer une mémoire des mouvements et une bonne solidité technique
-bien connaître la structure du morceau, les enchaînements...
-le tempo
-les nuances, les sonorités, l'interprétation...
- créer ainsi plusieurs "points mémoire" sur lesquels s'appuyer si l'un flanche, l'autre prendra le relai
bref, la méthode de travail est à voir avec son prof! je ne détaillerai pas plus ici.

2) faire un petit rituel, le plus tôt possible (dès que le morceau est connu):
-se mettre en position de "stress", à froid, sans avoir travaillé le morceau de la journée:
"filer" le morceau sans s'arrêter, si possible sans partition, et voir ce qu'il en est, ensuite retravailler les passages qui ont posé problème pour prendre de l'assurance.

3) jouer dans différents endroits chez soi: changer de pièce, ou au moins d'endroit dans la pièce, ou même seulement de sens.
Pourquoi? car le cerveau, ce petit malin, s'habitue au confort de la répétition!
rien que le fait de changer de côté, chez soi, peut vous déstabiliser! et donc vous habituer à gérer un élément extérieur susceptible de vous troubler.

4) s'enregistrer, en une fois: l'enregistrement crée les mêmes conditions de concentration que le concert

5) jouer le plus de fois possible en public avant la date, si possible devant quelqu'un dont on redoute l'avis (parent proche dont on souhaite l'approbation, inconnu dans le couloir de l'école de musique, voisin grincheux...)

6) travail d'imagination: s'imaginer jouer devant des personnes impressionnantes pour soi ou dans une salle immense (ne marche pas pour tout le monde, mais à tester!)

7) faire un jeu de rôle à la maison ou avec son prof
cette méthode ludique amuse beaucoup mes élèves, surtout les plus jeunes et dédramatise l'examen, ou l'audition.
J'attends dans la salle, l'air sévère, l'élève frappe (ou fait semblant de frapper s'il est déjà dans la salle de cours) entre et se présente à l'oral, ainsi que son morceau, prépare la harpe, et sa chaise, puis joue d'une traite son morceau, ensuite il salue et repart.
On retravaille ensuite la démarche qui ne doit ni être nonchalante ni militaire, la diction qui doit être claire et pas saccadée, l'élève met ses palettes ou ses pédales seul, d'ailleurs souvent avant son arrivée j'ai réglé la harpe n'importe comment, et le siège de même!
ce genre de jeu de rôle un peu théâtral se finit souvent en éclats de rire, et mine de rien prépare extrêmement bien au jeu de scène:
l'élève a des repères, sait s'installer confortablement, vérifier son instrument...il est autonome, et je crée ainsi une routine qui évite le côté "événement extraordinaire".

8) répéter au moins une fois avec son costume de scène, pour voir s'il n'entrave pas nos mouvements (rien de pire qu'une veste, une chemise, une robe trop serrée qui empêche de lever les bras!)

9) jouer à une heure inhabituelle, 7h du matin, minuit (à faire si vous n'avez pas de voisins!! si vous en avez, ne dites pas que c'est sur mon conseil!)

10) jouer de temps en temps devant quelque chose qui déconcentre: la télé, la radio (en essayant d'écouter!) cela habitue à gérer des événements extérieurs, car on a toujours quelque chose qui peut déconcentrer quand on est sur scène, une lumière dans les yeux, quelqu'un qui tousse ou fait grincer sa chaise...on vient de se cogner et on a mal à la main, nos chaussures neuves sont trop serrées, le tapis rayé vous donne l'impression que toutes les cordes sont des fa, tonton vous mitraille avec son appareil photo, vous avez le flash dans les yeux pendant 5 mn non stop, un bébé pleure et ses parents lui répètent bruyamment "chut, chut "...bref, l'inattendu doit être attendu! 

 
11), si possible faire au moins une générale ou un cours dans la salle de concert, d'audition, d'examen pour s'habituer à l'acoustique du lieu
à faire jusqu'à ce que l'on soit satisfait du résultat!


 le jour-même:
1) ne pas attendre des conditions optimales de ce jour-là : on est super en forme, on se sent bien, on ne pense à rien, on a une vie formidable, on a une vie sentimentale au top, une famille attentionnée, on vient de gagner au loto... si
c'est le cas, bien sûr, tant mieux pour vous! mais c'est loin d'être toujours ainsi.
ce qui fait peut-être la sensibilité du musicien, ce qui enrichit son jeu, et y transparaît, et y ajoute un grain de sensibilité et de fragilité, c'est justement l'aspect extérieur.
Parfois on est légèrement grippé, on a un bouton sur le nez, on vient de se disputer avec un proche, on est contrarié, soucieux, on a passé une nuit blanche, la machine a laver est en panne, le chat est chez le vétérinaire, mais tant pis, on joue quand même!
le petit surplus d'âme...c'est ce qu'on aime entendre et qui enrichit le jeu!
et n'oublions pas la musique c'est ce qui nous sort brièvement du quotidien...les bienfaits sont doubles, pour le public, et pour nous !

2)travailler sur la harpe sur laquelle on doit jouer, même brièvement, et se concentrer sur ses sensations digitales et physiques.

3)faire attention à sa respiration, essayer de l'abaisser au niveau du ventre (en cas de stress, on a tendance à être en apnée, ou à respirer avec le haut de la poitrine).

4) se mettre en doigts, replacer sa main, reconnaître ses sensations quitte à faire une petite gamme pp ou autres avant d'entamer son morceau quand on est sur scène...on n'est pas au Carnegie hall, c'est tolérable!

5) prendre tout son temps pour s'installer confortablement.

et... en piste!!

pourquoi ai-je écrit un si long post... parce que c'est un sujet qui me touche particulièrement, car j'en ai souffert très longtemps, même dans mes jeunes années de jeune musicienne professionnelle.
J'ai voulu trouver des solutions moi-même, ce qui a pris du temps.
C'est aussi souvent un sujet tabou. Parfois le gros traqueur finit par arrêter ses études, ou même parfois sa carrière.
Je me souviens avoir été longtemps hantée par les mots d'une camarade pianiste qui m'avait parlé d'une jeune musicienne qui avait arrêté sa carrière à cause du trac et s'était reconvertie en vendeuse de chaussures! bien sûr je ne dénigre pas ce métier, mais abandonner la musique à cause du trac...c'est un renoncement terrible.

Lorsque j'enseigne en conservatoire ou en école de musique, j'essaie toujours de communiquer et apprendre aux élèves le plaisir de jouer en public . Cela n'a rien d'inné pour la plupart d'entre eux. C'est un don que l'on fait, de jouer pour quelqu'un et c'est une véritablement technique de jouer sur scène qui est encore autre chose que de simplement apprendre à jouer un morceau (je ne détaille pas ici, mon article est assez long comme ça!). Et c'est dommage que cela soit souvent réduit à montrer ou prouver l'étendue de son talent, et ce quel que soit le style: on voit plus le musicien que l'on écoute la musique et pourtant il est tout à fait possible de concentrer l'attention du public sur la musique.
La musique est un bienfait, un instant précieux et fugace, une émotion de l'instant!
Aussi, quand j'enseigne, j'essaie toujours de multiplier les évènements, auditions internes, concerts à l'extérieur, auditions groupées avec d'autres instruments, projets, jeu en solo ou en groupe pour éviter le paralysant duo tant redouté: Audition (en milieu d'année) et Examen (en fin d'année).
donc mon dernier pour ceux qui redoutent de jouer en public, préparez vous au mieux, et multipliez les expériences!
Rien que jouer en famille le soir, ou en w.e. est un moment précieux! on n'est pas obligés d'avoir comme but de préparer un récital pour la Reine d'Angleterre ou de remplir le stade de France ou la Philarmonie de Paris!

j'espère sincèrement que ces quelques pistes aideront les traqueurs à mieux vivre leur jeu sur scène!
Ces conseils n'ont pas vocation à effacer le trac, mais à aider à vivre avec, et à l'apprivoiser
merci à ceux qui ont pris le temps de me lire

mardi 17 février 2015

Dîner-concert des Amours Discrètes le 20 février


Mon duo harpe & guitare "les Amours Discrètes" jouera lors d'un dîner-concert le vendredi 20 février prochain.
Adresse: Le bonheur est dans le thé, 7 rue Carnot à Poitiers
Réservation: au 05 49 41 44 48.
Tarif : 25 euros/personne.
Il est conseillé d'arriver vers 19h15 (début à 19h30)
La soirée comprend le concert et le repas convivial intégralement cuisiné sur place avec des produits frais, de saison et au maximum issus de l’agriculture locale et biologique. 
Attention, les places sont limitées!

Concert poétique et romantique.

Ballades celtiques, danses de cour et chansons d’amour, telle est la devise de ce duo harpe et guitare où les cordes pincées résonnent avec délicatesse.

« Musique intimiste, notes cristallines, interprétation sensible ont fait de cet instant musical un vrai moment de bonheur. » – Le Phare de Ré.

Pour en savoir plus, cliquez ici